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Un diagnostic de départ

Notre monde connaît des mutations profondes et le monde de l'éducation doit s'adapter. Or, la crise que vit actuellement l'école en France nous montre que ces adaptation sont difficiles.

De quoi parle-t-on ?

Mutation vient du latin mutatio et du verbe muter qui signifie « transformer », « modifier »: c’est l’idée d’un passage d’un état à un autre. Ce qui est intéressant, c’est que « muter » va devenir « muer » par l’évolution de sa prononciation. Or, « muer » n’est pas qu’un changement en surface ! En effet, muer signifie aussi une transformation en profondeur ! Voilà pourquoi nous utilisons « mutation » pour parler d’un changement en surface et en profondeur !

 

A partir des travaux du philosophe Patrick VIVERET, il s’agit ici de présenter la transformation des « TROIS R » en jouant sur la sonorité de la lettre « R »

 

Première mutation, l’ère au sens de civilisation : nous connaissons des mutations anthropologiques fondamentales dans notre histoire récente, l’individu n’est plus comme avant ; son rapport à soi, son rapport à son corps, son rapport aux choses, son rapport au temps, à l’espace, son rapport aux idées et valeurs, son rapport à la transcendance et son rapport à l’enfant. Tout s’est radicalement transformé ! Radicalement, au sens latin radix, qui veut dire racine : les changements ne sont pas superficiels ; les changements sont profonds et durables. De fait, tous ces changements nous font passer à un autre état de notre individualité. La mutation est anthropologique, c’est-à-dire qu’il touche l’homme dans son histoire, dans sa condition d’être humain. Le changement est précisément structurel !

 

 

Deuxième mutation, l’aire au sens d’espace, de lieux : nous connaissons des mutations du fait des technologies de l’information et notamment de la multiplication des réseaux, autant de connexions qui réduisent nos espaces et nous font croire que le lointain est devenu proche. La technique qui signifie l’art de faire et de produire les choses chez les Grecs, ou encore la fabrication, a pris le pas sur le reste. En particulier, les techniques de l’information qui nous font entrer dans la quatrième révolution industrielle : la mutation numérique et technologique où comment la culture du chiffre, du code binaire, du code informatique 0 - 1 se combine au pouvoir de l’information. C’est au fond la quantification du monde. Tout est chiffrable, en mode binaire, en mode pourcentage du type « taux de satisfaction », ou « notes » ou encore « prix ». Il existe une quantification de toute l’humanité : après les années soixante-dix, le corps humain est même dépecé pour être vendu dans certaines sociétés. C’est aussi l’émergence du marché de l’art… Le beau devient un prix ! C’est encore le marché spirituel où les offres spirituelles se font concurrence pour aguicher la clientèle. Et où est donc passée la gratuité ?

 

Enfin, troisième mutation, l’air au sens du gaz constituant notre atmosphère : nous connaissons des mutations sans précédent de notre atmosphère, de notre environnement et de notre nature. C’est le défi écologique : l’intervention de l’humanité sur notre nature, notre environnement change radicalement notre histoire, notre vie. Le réchauffement climatique, les espèces en voie de disparition, la pollution nous amène à parler de la mutation anthropocènique ou comment l’intervention de l’homme sur la nature et son environnement est venue bouleversée l’avenir de notre Terre-Patrie pour reprendre Edgar MORIN. Ce n’est pas un événement parmi d’autres, l’historien Fernand BRAUDEL, auteur du livre magnifique La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe, II publié en 1949, dirait que la mutation anthropocènique n’est pas « l’écume de la vague », ce n’est même pas « la marée », non le réchauffement climatique, la disparition d’espèces : c’est encore beaucoup plus profond : c’est « le courant marin », c’est le mouvement de fond sur lequel toute le reste repose !

Une fois le diagnostic du changement de société posé, parlons de la crise de l'école en France.

Un chiffre record : non seulement les enfants français ne brillent pas dans les classements Pisa, qui mesurent les connaissances et les compétences des élèves de 15 ans dans 72 pays de l'OCDE, mais ils seraient, de plus, les champions de l'indiscipline se plaçant en 71e place. Ainsi, non seulement les contenus appris se dégradent depuis 2001, mais en outre, la France possède le record des pires postures d’apprentissage et de savoir-être à l’école des démocraties européennes (Source : Pisa, 2017).


Ce n’est pas tout : les données socio-économiques et éducatives sont préoccupantes pour les jeunes 16-30 ans.

 

  • En 2002, 87 % des enfants d’enseignants sont un Bac général ou technologique contre 27 % pour les enfants d’ouvriers non qualifiés (Observatoire des inégalités sociales, « L’inégal accès au Bac des catégories sociales », 2017).

  • En 2017, dans les Écoles Normales Supérieures (ENS), 2 % des élèves proviennent du monde ouvrier alors que ce dernier représente 22 % de la population employée en France et 80% des élèves proviennent du monde des cadres et professions supérieures bien que ces derniers représentent 16 % de la population employée,

  • En 2013, 1,9 million des 15 à 29 ans : nombre de « NEET » (Not in Education, Employment or Training). 900 000 d’entre eux ne sont même plus à la recherche d'un emploi (Notes d’analyse du conseil économique, n°4, avril 2013).

  • En 2017, 100 000 : nombre de jeunes sortant du système scolaire sans qualification (Rapport 2017 du Conseil National d’Evaluation scolaire),

  • En 2018 : 65 % des élèves de maternelle exerceront un métier qui n’existe pas aujourd’hui. 85 % : c’est le pourcentage des emplois de 2030 qui n’existent pas aujourd’hui (Rapport du département du travail américain, 2018),

 

Dès lors, l’urgence et la nécessité sont aujourd’hui de penser et de mettre en œuvre l’École du sens pour toutes et tous fondées sur des postures d’apprentissages et une maîtrise des connaissances et contenus transmis.


Urgence, en premier lieu. Tout d’abord, la vitesse d’innovation dans les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle peut sonner l’ère d'un chômage technologique irréversible et d’une transformation du travail. « Les machines ne sont plus des outils qui augmentent la productivité des travailleurs, elles deviennent elles-mêmes des travailleurs ». Ensuite, l’accélération de l’innovation nous prive de l’indispensable réflexion sur le devenir des sciences : nous sommes prisonniers « d’une culture scientifique qui ignore le sujet » au bénéfice de l’objet comme le souligne Edgar MORIN. Ainsi, quid de notre être et savoir être ? Comment se connaître et connaître autrui à l’heure où le pêle-mêle culturel que représente Internet, la décontextualisation des informations qui y circulent, la fragmentation des savoirs qui y sont disponibles mettent en péril la question même de la construction de la connaissance du monde et de la vie.


Par conséquent, nous évoluons dans un environnement complexe au sein duquel l’incertitude radicale (Frank Knight) et l’instabilité sont des données acquises tout en étant porteuses de risque de désolidarisation de nos sociétés et des individus au sein de ces sociétés.


C’est pourquoi, nous créons l’École du Sens qui soit une vraie alternative humaine et pédagogique de connaissance de la connaissance, du monde, de la vie et de la société visant le développement de l’enfant selon ses sensibilités, ses besoins et désirs au cœur d’une société complexe en pleine mutation en bénéficiant notamment du compagnonnage du sociologue et philosophe Edgar MORIN : par son œuvre, sa vision, mais aussi son parrainage.
 

Nécessité, en second lieu. Il n’est plus acceptable d’avoir un système éducatif injuste qui accroît les inégalités au fil des ans et ne remplit pas ses promesses de démocratisation, comme l’a déjà repéré Pierre BOURDIEU dans son maître-ouvrage écrit en collaboration avec Jean-Claude PASSERON Les héritiers. Les étudiants et la culture (1964). En 2002, 87% des enfants d’enseignants ont un Bac général ou technologique contre 27 % pour les enfants d’ouvriers non qualifiés, soit 60 points de différence ; en six ans, entre 1996 et 2002, le pourcentage de l’obtention du Bac augmente de 3 points en faveur des enfants de cadres et professions supérieures et diminue de 3 points à la défaveur des enfants d’ouvriers non qualifiés. Aujourd’hui, en 2017, dans les Écoles Normales Supérieures (ENS), 2 % des élèves proviennent du monde ouvrier alors que ce dernier représente 22 % de la population employée en France et 80 % des élèves proviennent du monde des cadres et professions supérieures bien que ces derniers ne représentent que 16 % de la population employée.

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