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Classe autonome : Le chemin de l’autonomie est celui d’une vie…



Depuis maintenant un an, l’École du Sens a la chance d’accompagner un établissement scolaire public, le collège Marie-Noël de Joigny dans l’Yonne, sur les questions d’autonomie notamment. Cette expérience est passionnante pour notre centre de recherche.

 

L’enjeu est énorme car face à l’incertitude de l’avenir de notre monde et à la prolifération de production de données et de connaissances sur internet, l’autonomie des personnes est cruciale. Or, l’autonomie n’est pas naturelle, spontanée : elle est une capacité de notre volonté à choisir des règles proposées par un environnement politique, social, économique et culturel. De ce point de vue, la société, la famille mais aussi l’école constituent des cadres hétéronomiques qui transmettent des codes, des règles et des valeurs en direction des jeunes générations selon un processus qui s’appelle la socialisation. Aussi, toute la question est-elle de créer le « climat », « les meilleures conditions » pour développer l’autonomie des jeunes générations.  

 

L’observation attentive que nous faisons du monde de l’éducation nous montre que le concept d’autonomie est souvent interprété selon les besoins du système. En ce sens, l’autonomie pour le corps enseignant, c’est un élève : « qui a de bonnes notes », « qui fait ce qu’on lui dit de faire », « qui ne pose pas de problème en classe », « qui fait le travail qu’on lui demande sans solliciter l’enseignant ».

 

En travaillant au sein de l’Éducation Nationale, nous découvrons que le monde enseignant manque lui-même cruellement d’autonomie. Tout d’abord, parce que l’institution est ultra hiérarchique et encadrée : l’emploi du temps, le programme, les collègues et les élèves, tout cela est imposé souvent sans concertation… Ensuite, parce que on ne peut pas être autonome tout seul. C’est un malentendu : l’autonomie n’est pas synonyme d’indépendance : l’autonomie consiste justement à reconnaître sa dépendance à un environnement, à prendre des initiatives et à faire des choix avec celui-là. Or, les enseignants travaillent peu en équipe autour de leurs élèves pour leur proposer un accompagnement cohérent et pertinent.

 

C’est avec toutes ces observations et nos grilles d’analyse conceptuelle que nous proposons au collège Marie-Noël de faire « un pas de côté » : depuis plus d’un an, nous leur offrons des formations, des accompagnements, des réflexions et des projets. Et parce que nous souhaitons mettre en cohérence nos formations et accompagnement avec ce que nous prônons, nous ne pouvons faire à leur place et nous avançons à leur rythme. Or, le temps est le facteur essentiel de la réussite d’un tel projet. S’il s’agit pour les élèves de créer et garantir un « espace-temps » pour les apprentissages dans lequel ils puissent s’épanouir et désirer apprendre, tester et faire des choix et donc des erreurs, il en va de même pour les enseignants ! C’est une révolution paradigmatique que nous leur demandons : le lâcher-prise, la foi en l’élève, l’assurance qu’il est plus important que les élèves apprennent plutôt que l’enseignant finisse son programme, etc.





 

Depuis le 8 janvier 2024, l’expérimentation d’une classe autonome est mise en route. La première matinée de l’année, les enseignants qui participent au projet (6 sur les 11 de la classe) ont travaillé en binôme avec la professeure principale pour définir avec les jeunes, les nouvelles règles et la nouvelle organisation. Les enseignants proposent un cadre différent d’apprentissage et demandent aux jeunes d’être plus actifs. Le changement ne peut se faire d’un coup de baguette magique : certains enseignants ont de nombreuses idées et envies, d’autres ont plus de mal à imaginer le changement au sein de leurs contraintes. Pour l’École du Sens, il s’agit moins de leur donner des recettes toutes faites (que certains attendent pourtant) que de les mettre en route, en équipe pour qu’ils aient envie de tester, changer, se tromper, refaire, et tous ensemble imaginer d’autres façons de faire…en autonomie. C’est comme ça qu’ils pourront transmettre la posture de chercheur créatif, autonome et coopératif que les élèves doivent acquérir pour affronter leur vie d’adultes dans ce monde d’incertitudes.

 

Si l’École du Sens travaillait depuis plusieurs années à côté de l’Éducation Nationale plutôt qu’à l’intérieur, c’était plutôt pour des raisons de faisabilité que de véritables choix. Si nous savions que transformer l’Éducation Nationale était une gageure, nous en prenons la mesure en travaillant à l’intérieur. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons rien faire, mais cela nous rend modeste et humble. Cette expérience riche et utile, nous renforce cependant dans l’idée qu’il est nécessaire de penser d’autres modèles, pour inspirer, pour penser, pour ne pas désespérer



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